Par Eugène Viollet-Leduc
Voici par quel procédé le donjon de Coucy dut être élevé ; la construction fut conduite en spirale de la base au sommet au moyen d' un échafaudage dressé en même temps que les maçonneries s'élevaient, cet échafaud formait ainsi, en dehors du parement extérieur, un chemin incliné qui permettait de rouler sans difficultés les plus grosses pierres jusqu au faîte. Les trous carrés des traverses de cet échafaud et des liens qui empêchaient leur bascule, sont visibles et très régulièrement disposés au pourtour de l'énorme cylindre. Il était impossible d' employer un procédé à la fois plus simple et plus ingénieux pour bâtir rapidement et sans frais inutiles une aussi grosse tour qui n'a pas moins de 30,50m de diamètre hors œuvre et 60m de haut, du fond du fossé au bas du glacis qui surmontait la corniche à doubles crochets. Aujourd hui, les voûtes des deux étages sont crevées et le glacis supérieur, ainsi que les quatre pinacles qui le couronnaient, n'existent plus.
Le couronnement nous est indiqué par Ducerceau dans son livre « Des plus excellents bâtiments de France », on rencontre quelques morceaux de ce glacis sur le chemin de ronde supérieur et au fond du fossé, quant aux pinacles, nous n'avons pu découvrir de fragments des fouilles pratiquées dans le fossé qui les feraient probablement retrouver en partie. Toute la maçonnerie était chaînée au moyen de longrines de bois de 0m, 20 à 0, 30 d' équarrissage noyées dans l'épaisseur des murs suivant la méthode encore en usage pendant le XIIe siècle.
Au dessus de la voûte du premier étage ce chaînage se reliait à une enrayure également en bois. Il semblerait que ce donjon ait été bâti pour une race de géants, l'aspect des constructions est en harmonie avec la puissance déployée dans l'exécution, et en effet Enguerrand III de Coucy est la plus grande figure de la féodalité. On ne doit pas oublier que ce personnage héroïque après avoir ravagé les diocèses de Reims et de Laon après que le roi Philippe Auguste eut répondu au chapitre de Reims qui se plaignait de ses violences et du ravage de leurs terres. Je ne puis faire autre chose pour vous que de prier le sire de Coucy de ne point vous inquiéter aspira sous la minorité de Louis IX au trône de France. I1 était seigneur de Montmirail, d'Oisy de Crèvecœur, de la Ferté- Aucoul, de la Ferté-Gaucher, possédait la terre de Condé-en-Brie, était comte de Roucy, vicomte de Meaux et châtelain de Cambrai. Cinquante chevaliers étaient toujours auprès de lui indépendamment des vassaux qui lui devaient le service militaire. Or cinquante chevaliers formaient une garde de cinq cents hommes environ. Au XIIIe siècle un pareil état et un château comme celui de Coucy plaçaient un vassal du roi de France sur le pied d'égalité avec son suzerain. Mais s' il n'était donné qu'à un petit nombre de vassaux de la couronne de France de prendre une si belle place et d'acquérir d'aussi grandes richesses, une influence considérable, tous à des degrés différents voulaient conserver leur indépendance, se maintenir à l'état de lutte permanente avec une société qui, déjà aspirait à l'unité monarchique, tous construisaient des châteaux, le plus petit seigneur avait son nid, son refuge fermé, ses hommes et en temps de guerre il tenait pour tel ou tel parti, pour le roi comme pour son seigneur direct ou l'étranger suivant qu' il y trouvait honneur profit ou parfois aussi une vengeance à exercer.
Du château, on profitait des escarpements naturels du terrain, poulie planter, car il se trouvait ainsi à l'abri des machines de guerre, de la sape ou de la mine. L'attaque ne se faisant que de très près et les machines de jet ne pouvant élever leurs projectiles qu à une hauteur assez limitée, il y avait avantage à dominer l'assaillant soit par les escarpements des rochers, soit par des constructions d' une grande élévation en se réservant, dans la construction inférieure des tours et courtines, le moyen de battre l'ennemi extérieur au niveau du plan de l'attaque. En se divisant sous l' influence du pouvoir monarchique, la féodalité suppléait à son manque de ressources en appelant à son aide les moyens de défense les plus actifs, elle s'ingéniait à mettre ses châteaux en état de résister à des attaques formidables, elle multipliait les obstacles autour de ses refuges, c' était là sa préoccupation constante, le but de ses sacrifices, l'emploi le plus utile à son point de vue, de ses revenus ou du produit de ses prouesses. Elle tendait ainsi à faire progresser rapidement l' art de la fortification....
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La fiche historique du château
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Les places fortes entourant l'Ile-de-France
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