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mardi 25 février 2020

Fiche historique, les châteaux. Ivry-la-Bataille












"Palais-Tour"




Ivry-la-Bataille est une commune française située dans le département de l'Eure en région Haute-Normandie toute proche d'Anet, vraiment à la limite du département de l'Eure-et-Loir, à 15-20 kilomètres à vol d'oiseau de Mantes-la-Jolie.
Les ruines encore visibles à Ivry, nous emmènent vers le « palais-tour », sa création à la charnière entre le premier et le second millénaire constitue le premier geste architectural majeur connu du Moyen-âge dans notre région, mais sa portée dépasse largement celle-ci, au point d' être considéré comme un véritable prototype pour certaines grandes tours maîtresses « intégrées », bâties par les grands dignitaires de l'époque.









Localisation :  27540,  Ivry-la-Bataille
département de l'Eure.

Région : Normandie


Année de construction : XIe  Siècle




Matériaux : Pierre











Implanté à un point stratégique de la frontière orientale de la Normandie, le château d’Ivry-la-Bataille est réputé avoir été érigé à la fin du Xe siècle à l’initiative d’Aubrée, seconde femme de Raoul, frère du duc Richard Ier. Selon le chroniqueur Orderic Vital, cette dernière aurait fait élever par Lanfred une « tour célèbre, énorme et très fortifiée » (« turris famosa, ingens et munitissima »). L’architecte s’est illustré pour avoir construit le château de Pithiviers ; il aurait été mis à mort après l’achèvement de la tour, afin d’éviter qu’il n’en fasse de semblable ailleurs. Du point de vue militaire, le château, qui sera bientôt épaulé par celui de Pacy, s’oppose à toute attaque du duché par la vallée de l’Eure. Au pied de la forteresse, se développe une agglomération entourée d’une muraille : elle contrôle la navigation sur l’Eure et un point de passage de la rivière.

La création du « palais-tour » d'Ivry constitue le premier geste architectural majeur connu du Moyen Âge dans la région, mais sa portée dépasse largement celle-ci, au point d'être considéré comme un véritable prototype pour certaines grandes tours maîtresses « intégrées », bâties par les grands dignitaires de l'époque. Il est cependant nécessaire de mettre en perspective l'analyse architecturale pour mieux évaluer cet impact . La datation de la tour d’Ivry semble plus clair que l'édifice, avant sa modification au tout début du XIIIe siècle, résultait de deux phases de construction successives. Or il n'est pas sans importance que la seconde de ces deux phases ait consisté à enterrer partiellement et surélever un édifice antérieur qui avait un caractère peut-être résidentiel. 
Ce premier édifice était une grande salle palatiale pourvue en équerre d'une chapelle ; on ignore sa hauteur primitive, mais rien n' atteste vraiment, dans les restes actuels, qu'elle ait eu plus qu'un rez-de-chaussée, même si ceci peut étonner. Pour nous, ce n'est que dans la seconde phase que cet édifice devint une tour rectangulaire « intégrée », présentant un chevet saillant pour la chapelle, dont seule la nef fut absorbée par l‟extension et l'intégration des fonctions dans un unique volume prismatique.

 Au début de l'an mille, vers 1015, l’ouvrage restera, tout au long du règne de Guillaume le Conquérant, dans le domaine ducal, en 1196, le château a perdu, du fait du rattachement de la Normandie à la France, une part importante de son intérêt stratégique et ne joue, durant les XIIIe et XIVe siècles, qu’un rôle de second plan.



Quelques dates:

* Vers 1030 Hugues, évêque de Bayeux, fils du comte Raoul,  ayant mis une garnison se défendit contre le duc Robert et ne se rendit qu' après un long siège.

* Le domaine d Ivry fut attribué par Guillaume le Bâtard à Roger de Beaumont son échanson qui en 1071 fonda, au-dessous du château, un monastère de l' ordre de Saint-Benoit.

* En 1088 Robert Courte Heuse força Roger à prendre Brionne en échange d' Ivry qu' il remit à Guillaume de Breteuil, celui-ci se laissa enlever sa forteresse à deux reprises par Ascelin Goël seigneur du château de Bréval, il assiégea son ennemi qui incendia le fort, l' abbaye et l' église et ne livra à Guillaume qu' un monceau de ruines.

* En 1119 Henri I, roi d' Angleterre, tenait une forte garnison dans le château d' Ivry, Louis le Gros vint l'assiéger et s'empara de cette place.

* En 1188, Jean sans Terre poursuivi par Philippe Auguste et provoqué au combat s' enfuit à Ivry, Philippe prit ce château en 1193.

* Pendant les guerres anglaises Talbot vint en 1418 assiéger Ivry, prit d' assaut la ville et força le château à capituler, la butte sur laquelle était placée l' artillerie de siège portait encore au XIXe siècle  le nom de Butte Talbot.

* En 1424 le duc de Bedford à la tête de mille hommes vient de nouveau assiéger Ivry que les Français avaient repris et s'en empara.

* Dunois fait rentrer ce lieu sous la domination de Charles VII en 1449 et démolit les fortifications.

* En 1553 Diane de Poitiers acheta Ivry en même temps qu' Anet.

* Les calvinistes pillèrent l' abbaye en 1563 et détruisirent l' église qui fut relevée six ans après. Mais Ivry doit toute son illustration à la bataille livrée depuis par Henri IV au duc de Mayenne, chef de la ligue. Ce fut le 14 mars 1590 que les adversaires se trouvèrent à la tête de leurs principales forces.

En 1445 pendant l' occupation anglaise Jean de Foyal baron d Ivry épousa Marie Boyau Quatre ans plus tard Dunois ayant repris Ivry en fit démolir les fortifications. Les vestiges qui en restent sont fort étendus on y retrouve la triple enceinte des fossés quelques souterrains et l' emplacement du donjon des armures et des boulets de pierre y ont été déterrés. Il y avait dans le château une chapelle de Saint-Ursin sorte de petite collégiale danslaquelle les religieux d Ivry devaient chaque jour chanter la messe.



Quelques questions autour du site

La construction la plus ancienne sur le site pourrait avoir été un grand bâtiment rectangulaire orienté nord-sud, dont un niveau nous est parvenu. Trois côtés de l’édifice sont connus avec certitude ; la localisation du mur sud demeure, en l’état actuel des connaissances, hypothétique. Les données en notre possession indiquent que nous sommes en présence d’un rez-de-chaussée. Ce dernier était abondamment éclairé par quatre fenêtres percées dans son mur ouest ; une porte très basse et étroite, traversant le mur nord, la reliait à l’extérieur. L’existence d’une baie ouvrant vers l’est n’est, en l’état actuel des recherches, en aucun cas attestée. Nous n’avons pas d’information sur le ou les niveaux supérieurs de cette construction, dont le caractère résidentiel est suggéré par l’existence de nombreuses baies.
Avec le remblaiement du pourtour de l’ouvrage nous entrons, semble-t-il, dans une autre logique une construction militaire se substitue à la chapelle l’enfouissement des parties anciennes du château entraîne la condamnation de la plupart des baies situées à ce niveau et vraisemblablement une redéfinition de son rôle. Peut-on, dès lors, évoquer une tour énorme et très fortifiée.

Nous sommes, à Ivry, au cœur de la problématique concernant l’origine des tours romanes qui ont marqué le paysage de la France et de l’Angleterre aux XIe et XIIe siècles. Pierre Héliot a évoqué cette question dans un article concernant les « origines du donjon résidentiel et les donjons-palais romans de France et d’Angleterre », dans lequel il conclut que la forme et la structure du donjon résidentiel se fixent « au terme d’une série de mutations, probablement amorcées dans l’ensemble de la Francie carolingienne » (1976). Ivry pourrait, compte tenu de sa complexité et de sa richesse archéologique, constituer une référence pour cette question, aux côtés de Doué-la-Fontaine ou de sites étudiés plus récemment comme les châteaux de Langeais ou de Mayenne.

Ivry-la-Bataille fut-elle la « tour-mère » pour les grands édifices anglo-normands ?
E. Impey a montré en tout cas que selon toute probabilité, elle inspira largement la Tour Blanche de Londres, mais il a souligné également que la disparition d'un trop grand nombre d'entre eux oblige à considérer l'hypothèse avec prudence.

On y ajoutera le fait que, si l'on considère comme acceptable l'enchaînement de coïncidences selon lequel la tour de Pithiviers figurée vers 1800 serait l'édifice bâti par l'architecte Lanfroy, le concept développé à Ivry ne serait alors qu'un succédané de celui déjà mis en œuvre à Pithiviers ; la représentation extrêmement fidèle qui nous en a été conservée semble prouver, à tout le moins, qu'il s'agissait d'un bâtiment unitaire, où la tourelle saillante faisant corps avec le reste de la maçonnerie. On en viendrait alors à proposer que la tour d'Ivry résulterait d'une adaptation du modèle de Pithiviers au palais à chapelle déjà présent sur le site préalablement. Mais on est ici dans le domaine de la pure spéculation, tant les hypothèses se révèlent fragiles à l'examen.

La première mention qui en soit faite au moyen-âge est une donation de Richard I, duc de Normandie, à Raoul, comte de Bayeux. Albereda, femme de Raoul, fit bâtir sur la crête de la montagne qui domine au loin la vallée une forteresse qui fut une des plus puissantes et des plus fameuses de l' époque.