Damville est un bourg situé au sud du département de l'Eure et au coeur de la vallée de l’Iton, hameau du Mesnil-sur-Iton, proche d'Evreux en son nord, Damville est placé à une dizaine de kilomètres du département de l'Eure-et-Loir, sa position GPS est E 1°4'40" / N 48°52'18". Damville dut son importance à sa situation sur la frontière normande, elle formait du côté de la France, donc du royaume de France, avec Tillières-sur-Avre et Breteuil, une ligne de forteresses. Damville était armé d'une simple tour entourée de fossés où coulait l'Iton, qui appartenait à la Maison de Crespin. Elle a été construite vers 1035.
Le château de Damville apparut dans les sources écrites le 10 août 1173, à l’occasion de sa destruction par Henri II. Puis lors de la mise sous tutelle des biens de l’honneur de Tillières, ce château, qui dépendait directement de Gilbert Crespin, semble avoir partagé le même sort : les travaux de fortification de la tour, de la barbacane et des moulins apparurent dans les comptes de l’Échiquier en 1198106. Par le traité du Goulet de mai 1200, Damville resta comme Tillières à Jean sans Terre. En 1285, Damville appartenait à Matthieu de Montmorency, avec le « manoir » ou « maison » (domus), sauf le château encore habité par le seigneur de Tillières. Selon le plus ancien aveu connu (1454), celui-ci fut détruit lors de la guerre de Cent Ans : « Tour assis[e] sur mocte, pavillon, maysons et fossez. Lesquelles choses ont esté démolyes et détruictes à l’occasion de la guerre des Anglois, anciens ennemys du Royaume109. » Des transformations importantes intervinrent avant 1603, avec la construction d’une nouvelle demeure : « La maison sieurrial qu’avons veue près de l’églize, dans le comprins de laquelle est un nouveau bastiment assis sur une motte, ayant vestige de ruynes d’anciennes murailles et bastimentz qu’on disoit estre l’ancien chasteau, démolly du temps des Angloiz. Icelly nouveau bastiment cloz à fossés plains d’eau et pont levis110. » Sa vente en tant que bien national fut encore l’occasion de faire un point sur les vestiges encore visibles : « Consistant en une cuisine, cabinet à côté, deux chambre dessus, quatre chambres haute sur la Butte, et grenier sur le tout, coridor reignant le long des dittes chambre collombier, sur un bûcher, un autre corps de bâtimens formant equêrre, de viron cent vingt pieds de long, à usage d’écurie et magasin, très beau grenier dessus une belle cave voûtée près la rue, une latrine, un beau puiseau, cour et jardin avec herbage y tenant, nommé le préau. Le dit château construit sur une butte, et entouré de fossés, avec un pont de communication de la cour audit château et un autre du château au jardin. »
112 L. Delisle (éd.), Cartulaire normand..., op. cit, p. 204, no 868 (17 juillet 1276). 113 A. Charma, A.-L. Léchaudé d’Anisy (éd.), « Magni rotuli... », art. cité, p. 11. 41
Par ailleurs, un acte de 1276 mentionnait « le pré qui est dessouz la tour112 ». Ce « pré de la Tour » était localisé en 1793, à l’est de l’église paroissiale, près des étangs. Cette tour, encore visible au XIIIe siècle, avait déjà disparu lors de l’aveu de 1603, qui précisait tout de même : « Et de l’autre costé du bourg, en tirant vers Evreux, nous auroit monstrez les prairies, comme le pray de la tour [...] qu’il a dit estre la place du plus vieil et antien chasteau. » Il est possible que le château initial de Damville ait été déplacé après la destruction de 1173 mais il se pourrait également que cette tour fût plus simplement une fortification annexe comme la « barbacane » de pierre, dont la construction coûta la somme de 144 livres à l’Échiquier de Normandie (1198) et qui est aujourd’hui impossible à situer.
114 Arch, nat, N IIIEure 57. 115 BNF, va mat 27. 42
Du château sur motte, il ne subsiste qu’une petite partie de l’ancienne assise du « pavillon » qui avait déjà succédé à la motte castrale, autrefois entourée de ses propres murailles. Un plan de 1789 montre dans la moitié nord du fossé annulaire, la « butte » en forme de demi-lune et traversée par un chemin menant aux « commodités ». Initialement, cette motte avait occupé la totalité de l’espace compris dans le fossé annulaire et la moitié antérieure fut reprise sous la construction du « pavillon » : une photographie ancienne présentait encore un escalier pour accéder au premier niveau. L’existence d’un donjon roman fut certifiée par le rôle de 1198 car 50 livres furent en partie attribuées à la couverture de la « tour ». Pour avoir résisté jusqu’en 1454, elle était probablement en pierre. D’après les aveux, le château comprenait également des annexes maçonnées et des fossés en eau avec pont-levis. En effet, le site conserve aujourd’hui un mince canal entourant les restes de la motte mais qui, jusqu’au XIXe siècle, était d’une largeur importante (ill. no 24 ; planche no IV). Relié à celui du bourg, il était alimenté par une dérivation de l’Iton au nord-ouest de l’enceinte. Encore au XIXe siècle, il rejoignait également, au sud-ouest, une portion du « fossé du bourg », le long de la « rue de Hôtel-Dieu ».
Le cimetière est mentionné sur le plan de 1789 : Arch, nat., N IIIEure 57. 117 Jean Mesqui, Châteaux et enceintes de la France médiévale, de la défense à la résidence, Paris, Pic (...) 118 BNF, lat. 12884, p. 153-159 et p. 344-345 ; V.
Gazeau-Godet, « L’aristocratie autour du Bec... », a (...) 43
À Damville, aucune véritable trace de basse-cour, joignant la motte, n’est décelable. Au nord et à l’est, l’espace était occupé par les dérivations marécageuses de l’Iton et les étangs de Damville, et la partie orientale par l’église Saint-Evroult (autrefois précédée de son cimetière116) et toute la zone sud par le bourg. Nous savons par le plan de 1789 que le fossé annulaire comprenait la seule motte. Nous trouvons-nous en présence d’une structure unicellulaire de château à motte sans basse-cour, plutôt atypique pour un habitat aussi modeste ? Ce genre de structure était réservé à certains cas très particuliers, comme l’insertion en zone urbaine (Provins, Bar-sur-Aube) ou la juxtaposition à une résidence seigneuriale préexistante. Or Damville ne correspond à aucun de ces cas. L’emprise de l’église paroissiale (reconstruite à la Renaissance), dont l’entrée se fait par le côté sud, car la façade occidentale était neutralisée par le fossé de la motte, pourrait avoir constitué un premier élément de basse-cour. Cette église aurait été donnée à une date haute (1065-1066) par Gilbert de Tillières, probablement en même temps que la chapelle du château. Mais il semble encore plus probable, d’après la physionomie de l’enceinte de la ville, que l’église fût comprise dans une plus large basse-cour, en forme de croissant autour de la motte et constituant le bourg castral lui même.
Après la Guerre de Cent Ans, à la suite de l'invasion anglaise puis des guerres médiévales, l'emplacement du château resta longtemps une ruine, et ne fut rebâti qu'à la fin du XVIe siècle ou au début du XVIIe. Elle est ensuite protégée par une muraille d'enceinte, et trois portes dotées de pont-levis. À l'est la porte de Paris, à l'ouest celle de Verneuil, à l'ouest celle de Conches. Certains noms de rues actuelles nous renseignent sur l'emplacement des anciens remparts, comme la rue de la Citadelle, ou encore l'énigmatique rue du trou-au-chat : il s'agissait en fait d'un passage très étroit pratiqué dans la muraille, à mi-chemin entre les portes de Paris et de Verneuil. En 1552, Damville devient une baronnie. En 1610, Louis XIII fait Charles de Montmorency-Damville, le premier duc de Damville puis en 1694, Louis XIV fait de Louis-Alexandre de Bourbon, Comte de Toulouse, le second. La maison est revendue à Marie-Madeleine de la Vieuville, veuve de Cesar de Baudean, Comte de Parabere puis à Joseph Durey de Sauroy.